Entrevista com Mestre Zulu 2ème partie
Mestre Zulu a accepté de répondre à quelques questions de l’initiative d’un ancien élève du Grupo Cultura Capoeira, Emmanuel CHALOT. En attendant que le Mestre arrive, voici quelques précieuses informations pour enrichir notre culture capoeiristique !
GCC : Pourquoi être autodidacte dans la capoeira? Quels étaient les obstacles, les inconvénients?
Mestre Zulu : Je suis autodidacte dans la capoeira par des circonstances impératives. J’habite Brasilia depuis 1957. Brasilia, ville planifiée par l’urbaniste Lúcio Costa et par l’architecte Oscar Niemeyer, fut construite en approximativement 4 ans (1956/1960) et inaugurée le 21 avril 1960. Pendant les premières années après l’inauguration, il n’y avait pas de capoeira dans la nouvelle capitale. Très peu de villes Brésiliennes avaient de la capoeira. En 1967, j’ai connu un capoeiriste de la zone nord de Rio de Janeiro, Luis Sérgio Lacerda, avec qui je me suis entraîné pendant 8 mois cette année là. L’année suivante, je n’avais plus personne avec qui m’entraîner, et à ce moment j’ai commencé à m’entraîner seul. J’ai cherché à apprendre la capoeira même sans professeur ni mentor qui m’enseignait ou qui donnait des cours. Par moi- même, avec mes efforts et ma persistance, j’ai recherché diverses sources pour mon apprentissage, en observant les autres capoeiristes et mestres. Beaucoup d’observation, beaucoup d’entraînement, beaucoup de lecture, beaucoup de recherches et beaucoup de doutes. J’ai affronté beaucoup de difficultés au début du processus d’apprentissage, au-delà des tentatives continues, d’erreurs et de réussites.
GCC : Être “Maître de capoeira”, cela représente quoi au juste? Quelle est la signification?
Mestre Zulu : Être maître de capoeira signifie être quelqu’un qui a acquis une connaissance spéciale de la modalité, transmis à d’autres son savoir et formé des disciples, atteignant la reconnaissance du mérite de ses pairs. Selon le système Ideário de graduations, nous avons deux grades et titres de Mestres. Le Mestre edificador est celui qui a reçu la corde rouge. Il est en phase d’édification ou dans un processus de construction de sa “maîtrise” (l’Art d’être Maître) et de son travail. Ensuite le Mestre dignificador est celui qui a reçu comme graduation la corde blanche, après des années de travail et la formation d’autres Mestres. Son travail rend sa dignité à la capoeira et au-delà de la reconnaissance du mérite de ses pairs, il a atteint la reconnaissance du mérite de la société.
GCC : Quel est l'avenir de la capoeira selon vous dans les dix prochaines années?
Mestre Zulu : J’entends la capoeira comme un bien culturel immatériel brésilien, dans lequel commence à apparaître quelques courants de pensées sur son enseignement et sa pratique. La capoeira a des interfaces et des intersections avec différentes modalités de connaissances. Comme je l’ai dit antérieurement, la capoeira est passée d’un facteur psychosocial justificatif à un autre et toujours augmentée et diversifiée. De nos jours, les capoeiristes et l’Etat brésilien recherchent un plan de sauvegarde pour la Capoeira. Ils cherchent à créer des politiques publiques pour qu’il puisse y avoir des actions de forme constitutionnelle, démocratique, sûre, durable et impartiale. Le recensement des demandes de la capoeira et des capoeiristes réalisé par l’IPHAN dans les rencontres de Recife, Rio de Janeiro et Brasília, nous a donné, à nous, capoeiristes, la notion du quantitatif, du qualitatif, de la diversité, et des divergences d’opinions. Pour faire cette projection de ce que sera la capoeira dans dix ans, il faudrait faire une étude donnée, ce que je viens d’exposer. Je ne dispose pas d’informations suffisantes pour faire une prévision raisonnable.
GCC : Le racisme existe-t’-il dans la capoeira?
Mestre Zulu : Je crois qu’il existe du racisme dans le milieu capoeiristique, oui! La capoeira comme institution, comme manifestation culturelle, éducative et sportive, est une fraction, un morceau de la société brésilienne, et comme telle, elle est imprégnée de racisme, de préjugés, de stéréotypes et de dopage. Parfois, le racisme est minimisé par les amitiés créées par la connivence dans les entraînements, les rodas et les nouveaux liens sociaux créés par la capoeira. “Le Brésil est encore un pays raciste”, malgré les efforts du gouvernement pour gérer le problème. Une grande partie des brésiliens considèrent que la couleur de peau interfère dans les relations professionnelles, dans les questions liées à la police, à la justice et visiblement, dans les relations sociales.
GCC - La répression de la Capoeira existait-ele sous la dictature militaire? Ou au contraire était- elle encouragée sous une forme voulue par le regime en place?
Mestre Zulu : La période de la dictature militaire brésilienne fut beaucoup troublée et marquée par la suppression de droits constitutionnels et l’édition de cinq actes institutionnels, supprimant ainsi la démocratie de la trajectoire de la politique brésilienne de 1964 à 1985. Cette période fur marquée par des répressions, des persécutions, des emprisonnements, des tortures, des morts, des disparitions et des censures sur les moyens de communication. A partir de 1980, le Brésil a commencé un long processus de redémocratisation du pays avec de fréquentes manifestations, marches et protestations, processus conclu par l’élection de Tancredo Neves, President de la République. Dans la seconde moitié des années 60, le gouvernement militaire a cherché à intervenir dans l’éducation physique et dans le sport de forme incisive. Il a créé le Département d’Education Physique et Sportive, subordonné directement aux Ministère de l’Education et de la Culture. Le processus d’ascension de la capoeira qui commença dans les années 30 perdure jusqu’à aujourd’hui. Deux colloques nationaux sur la capoeira ont été réalisés en 1968 et 1969, promus par le ministère de l’Aéronautique. Ces deux évènements furent marquants pour le début de la relation entre capoeiristes et gouvernement. En 1972, la capoeira est reconnue officiellement en tant que sport par le Ministère de l’Education et de la Culture, visant à promulguer l’uniformisation de sa pratique au niveau national. L’administration de cette modalité fut à la charge du Département Spécial de Capoeira, créé et subordonné à la confédération de Pugilisme (boxe). L’institutionnalisation de la capoeira comme modalité de compétition fut très marquante pour l’univers de la capoeira, déchaînant un grand nombre d’institutions d’enseignement de la capoeira à la fin des années 70 et au début des années 80. D’autres facteurs importants ont surgi, comme la fondation de la Fédération de Capoeira de l’Etat de São Paulo en 1974. Cette première fédération visait à divulguer la capoeira comme Art-Martial brésilien. Les désaccords furent énormes autour de ce processus de “sportivisation” de la capoeira et d’ingérence à la tradition. En 1975 à eu lieu à São Paulo la première compétition de capoeira de portée nationale. le régime dictatorial fut marquant dans l’histoire de l’éducation physique, du sport et de la capoeira. L’institutionnalisation de la capoeira en tant que sport a rendu propice la diffusion de sa pratique au Brésil.
GCC - Qu’est ce que le Candomblé? Quelle est son influence dans la Capoeira Arte-Luta? (Où le retrouve-t’- on?)
Mestre Zulu : Je dirais que le Candomblé est une religion découlant de l’animisme* africain qui prête le culte aux orixás*, vaudous ou nkisis, suivant la nation à laquelle ils appartiennent. Le Candomblé est une religion de racine africaine beaucoup pratiquée de par le monde, principalement au Brésil. Quand à l’influence du Candomblé ou de l’Umbanda* sur la capoeira, elle n’existe tout simplement pas. Dans la capoeira il n’y a pas de pratique religieuse. Chaque capoeiriste à sa foi, sa religion et liberté de culte, mais qui doivent rester en dehors de la capoeira. Ce sont des pratiques indépendantes.
GCC - Que sont exactement les "pontos riscados"?
Mestre Zulu : Comme je l’ai dit antérieurement, la capoeira est une pratique laïque, de nature culturelle, sportive et éducative et, pour cette raison, ni les “pontos riscados” (points dessinés) ni les “pontos cantados” (points chantés) ne font partis de la capoeira. Les pontos riscados sont traditionnellement de la liturgie Umbanda. Les points sont dessinés pendant la cérémonie comme identification du rituel religieux et révèlent quelle est l’entité, ses caractéristiques et ses fonctions. Il y a aussi les points chantés. C’est le nom donné aux chants utilisés dans les évènements religieux et culturels. Dans le Candomblé, la division des points chantés est en accord avec la nation et le dialecte. Chants en Ketu, Jeje, Ijexá, Angola, Omolokô, etc.
GCC - Que represente l’axé dans le candomblé? Dans la capoeira?
Mestre Zulu : AXÉ est un terme Iorubá qui signifie énergie, force, pouvoir. force magique qui maintient les terreiros* de Candomblé. L’Axé dans la capoeira signifie la bonne humeur, la force, l’énergie. Le mot Axé dans le contexte capoeiristique peut être utilisé comme une salutation, une façon de se dire bonjour ou au revoir. L’Axé est aussi transmis au travers des mots, de l’haleine et de la salive, d’où l’importance des chants dans les rodas de capoeira.
*Animisme : Attitude consistant à attribuer aux choses une âme analogue à l'âme humaine.
*Orixas :prononcé Orichas - Dieux africains appelés à descendre dans le corps des fidèles pendant les cérémonies du candomblé.
*Umbanda : Culte syncrétiste afro-brésilien mêlant spiritisme, magie blanche, éléments catholiques et africains.
*Terreiro : lieux de culte du candomblé. En même temps qu'un lieu de culte, c'est un groupement social au travers duquel se transmettent les traditions africaines.
Interviewer : Emmanuel CHALOT
Traduction : Monitora Caroline Berteau
Palavra de Mestre : Mestre Geni
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